Pour continuer ce premier tour d’horizon dans les bleus, après l’outremer et le bleu égyptien je vous parle aujourd’hui de l’indigo.
Si l’outremer était à l’origine issu du monde minéral et le bleu égyptien le premier pigment synthétique sous forme de pâte de verre, le pigment indigo est issu du monde végétal et l’indican en est la substance tinctoriale. Elle est contenue dans le pastel (Isatis tinctoria) et l’indigotier (Indigofera tinctoria).
Le pastel
Cette plante à fleurs jaunes, connue également sous le nom de « guède », est originaire de la région de la mer noire et a été introduite il y a plus de 8000 ans en Europe et autres régions.
La teinture au pastel est attestée dès le néolithique dans le sud de la France, l’Égypte utilise une variété locale dès -1500 et les Hébreux obtenaient du vert en plongeant des tissus teints en jaune grâce au safran dans des cuves de pastel.
Les Barbares celtes et germains utilisaient la guède pour se colorer la peau lors de cérémonies religieuses ou pour partir au combat, ce qui provoqua la peur bleue des légions Romaines devant ces guerriers fantomatiques !
Au Moyen-âge, la couleur bleue si longtemps barbare devient divine
Jusqu’au Moyen âge le bleu demeure déprécié en Occident, mais tout va s’inverser au 12° siècle quand, en pleine expansion du culte marial, le Dieu des chrétiens devient un dieu de lumière et que la robe de la Vierge devient bleue ! Le bleu s’impose dans les vitraux et les œuvres d’art, les étoffes bleues deviennent alors très demandées par les rois et ensuite par l’ensemble de la société.
Le bleu divin stimule l’économie
Cet essor du bleu va lancer la culture du pastel à grande échelle, et faire la fortune des régions comme la Thuringe, la Toscane, la Picardie ou la région de Toulouse. La richesse de ces régions fabriquant ces boules de pigments appelés « coques » développa dans l’imaginaire européen le mythe des « pays de cocagne ».
Fabrication des pigments et teintures
On utilisait les feuilles fraiches que l’on ébouillantait et laissait tremper jusqu’à fermentation, ce qui libérait un colorant jaune. L’eau était ensuite placée dans des bassins à bas-fonds et oxygénée en tapant la surface avec des branches, ce qui enclenchait un processus chimique qui déposait des sédiments bleus sur les bords et sur le fond que l’on récupérait, malaxait et laissait sécher pour les broyer afin d’obtenir une poudre de pigments que l’on mélangeait à de l’œuf ou de la cire pour faire de la peinture.
Pour la teinture des textiles, les tissus étaient trempés dans les cuves à pastels, la coloration en bleu était également obtenue par oxygénation en les laissant sécher à l’air libre.
Les procédés de fabrication se sont améliorés au fil du temps avec l’évolution des techniques et l’accroissement de la demande.
L’indigo
L’indigofera tinctoria est un arbuste aux fleurs violettes originaire d’Asie tropicale, d’autres variétés poussent également dans les zones de climat chaud de l’Amérique centrale au Yémen.
La teinture à l’indigo est pratiquée depuis l’antiquité dans toutes les régions où poussent des plantes contenant de l’indican : en Inde, en Indonésie, en Afrique occidentale, toujours à partir des feuilles fermentées et oxygénées, chaque région ayant ses secrets et variantes de fabrication …
C’est l’explorateur portugais Vasco de Gamma (premier navigateur européen à arriver aux Indes au 16° siècle) qui rapporta l’indigo en Europe (son nom vient du grec Indikon signifiant « colorant d’Inde ».
Comme les propriétés tinctoriales de l’indigo sont 20 fois plus puissantes que celles du pastel, malgré des efforts effrénés des producteurs de pastel pour réprimer l’importation, la découverte de Gamma marquait la fin de l’ère lucrative des pays de cocagne.
Au 18° siècle le bleu devient la couleur préférée des Européens, l‘indigo est importé massivement des Antilles et d’Amérique centrale, Toulouse et Amiens sont ruinés tandis que Nantes et Bordeaux s’enrichissent.
En 1850 le tailleur Levi-Strauss invente à San Francisco le premier bleu de travail en grosse toile teintée à ‘indigo, c’est la naissance du jean … on connait la suite ! (*)
Après des siècles plutôt agités, le bleu est toujours aujourd’hui la couleur préférées en Occident et ce n’est pas un hasard si beaucoup d’organismes internationaux (ONU, Unesco, Conseil de l’Europe et Union européenne) ont choisi le bleu comme emblème, c’est une couleur consensuelle qui emporte l’adhésion de tous.
Vous connaissiez cette histoire ?
Partagez vos remarques et commentaires …
***
(*) Merci à Gine qui a ajouté dans les commentaires un lien sur l’histoire complète du blue jeans qui vient parfaitement compléter cet article sur l’indigo !
Et vous avez vu ? j’ai mis en place l’abonnement à la newsletter ! N’hésitez pas à vous inscrire, et je vous propose également de nous retrouver sur la page Facebook Passion-aquarelle pour être tenu informé des nouvelles publications.
Et vous savez quoi ? je pars faire une petite virée dans le Lubéron, et j’aurais bientôt plein de choses à vous raconter sur les ocres de Roussillon et du Colorado provençal !
à bientôt
L’histoire des couleurs est toujours aussi passionnante et complète parfaitement l’étude de la symbolique de la couleur bleu dans un article publié sur éveil art et nature…merci
Bonjour Nicole, merci pour ta réaction rapide à cet article. Tu as bien fait de mentionner l’article sur « éveil art et nature » car bien sur j’ai été voir et j’ai pris un grand plaisir à me balader sur ton site, nous avons beaucoup de passions et de centres d’intérêt en commun !
à bientôt
Un article intéressant et plein d’enthousiasme! Je ne m’étais jamais vraiment intéressé à l’histoire des couleurs mais ton billet me donne envie d’en savoir plus sur les autres! Je ne traite pas du tout de la couleur sur mon blog, je trouve que le tien fait un bon complément à mon site pour le coup 😉
Bienvenue à toi Roy pour suivre la suite du grand roman de la couleur 🙂
Tu as raison, nos sites sont complémentaires et je serais ravi d’approfondir le partage !
A bientôt,
Jean-Yves
Bonjour, je débarque sur ce site super intéressant, et je découvre une histoire du blue jeans qui me pose des questions. Je me permets de mettre un lien qui rejoint mes connaissances concernant le bleu de Nîmes et le bleu de Gênes. http://www.lagrandeepoque.com/LGE/Arts-et-cultures/Le-serge-de-Nimes%A0-lhistoire-du-bleu-de-Genes.html
Qu’en pensez-vous ?
Bonjour Gine,
Merci pour ce lien sur l’histoire du Sergé de Nîmes et du bleu de Gênes …
J’ai appris plein de choses passionnantes sur les véritables origines du blue jeans !
Je me permet de rajouter ce lien dans le corps de l’article, je pense qu’il intéressera tout le monde.
Bravo pour ta pertinence et merci pour ce partage qui vient parfaitement compléter l’article sur l’indigo !
Amicalement et à bientôt,
Jean-Yves
Très intéressante, cette histoire des couleurs.
Un bon point de départ pour stimuler un photographe et faire une série de photo avec comme sujet principal une couleur… et pour faire honneur à cet article, en commençant par le bleu !
Bonjour Patrick,
Je suis ravi que cet article puisse t’inspirer pour tes photos 🙂
Moi aussi en peinture j’aime travailler des séries car cela permet d’avoir un fil conducteur et je trouve que cela stimule la créativité. Je suis actuellement sur une série « Jazz en aquarelle » que tu peux suivre dans le portfolio.
La thématique des couleurs est une riche idée et je suis curieux de suivre ta série sur le bleu !
A bientôt, Jean-Yves
Bonsoir Jean-Yves !
Quelle merveille le bleu indigo ! Je ne connaissais pas toute cette histoire et j’ai adoré apprendre d’où venait l’expression ‘avoir une peur bleue’ !
L’indigo m’était surtout connu par ces merveilleux tissus d’Afrique subsaharienne, allant d’un bleu-noir jusqu’au bleus azurés comme tu nous le montre dans ta photo plus haut.
Il parait que chez les Yoruba, un homme devait encore jusqu’à tout récemment offrir une étoffe d’indigo à sa femme pour célébrer l’arrivée d’un nouvel enfant !
@bientôt
Sinje
Sinje a écrit récemment Challenge familial : plier 1000 grues de la paix, d’ici le mois de juillet 2012
Bonsoir Sinje,
Tu as raison, la teinture indigo est très prisée en Afrique, et d’après Anne Varichon elle est effectivement associée dans la culture Yoruba au culte d’une divinité (Ita Mapo) protectrice du monde féminin.
A bientôt, Jean-Yves