Le bleu égyptien est le premier pigment artificiel créé par l’homme il y a près de 5000 ans.
L’histoire
Dans l’antiquité les couleurs avaient une grande importance et les monuments et statues de Mésopotamie, Perse, Egypte, Grèce étaient en fait recouverts de pigments polychromes.
Ils disposaient facilement de certains pigments : des jaunes (ocres), de rouges (ocre ou hématite), de noirs (charbons ou bitumes naturels), accessoirement de verts, de marrons et du blanc mais point de bleu ! Il n’existe effectivement que très peu de minéraux de couleur bleu et ceux-ci perdent leur pouvoir colorant quand ils sont réduits en poudre.
Comme évoqué dans l’article l’histoire du bleu outremer, les égyptiens avaient une véritable passion pour le lapis-lazuli que les familles royales faisaient venir d’Afghanistan et utilisaient en bijoux pour les ornements et parures mortuaires. Sa couleur bleu profond et les petits éclats de pyrite dans la pierre symbolisaient le ciel et les étoiles …, mais cette pierre était si précieuse qu’il n’était pas question de la mettre en poudre, d’autant que son broyage ne fournit qu’une poudre bleu-gris pâle inutilisable comme pigment.
Ils ont donc décidé il y a 5000 ans d’imiter sa couleur en créant un pigment artificiellement.
Pour cela ils vont se servir de matériaux accessibles dans leur environnement (notamment du cuivre présent dans le Sinaï) et inventer l’alchimie de « l’or bleu » ! On mesure la maitrise des Égyptiens dans leurs connaissances des matières premières, de la chimie et des manipulations à hautes températures !
Cette matière artificielle est en fait une sorte de pâte de verre et il n’est pas étonnant que le bleu égyptien soit apparu il y a 5000 ans en même tant que le verre sous le nom de « lapis lazuli moulé » en Mésopotamie et de « lapis lazuli fabriqué » (hsbd iryt) en Egypte ancienne. Après fabrication il se présente sous forme de boules de quelques centimètres de diamètre, puis il est ensuite broyé en poudre avant d’être utilisé comme pigment.
Ce produit est l’unique pigment bleu utilisé en peinture murale depuis la IV° dynastie égyptienne (2613-2494 BC) jusqu’au Moyen Age.
L’étude des décors muraux peints retrouvés par les fouilles archéologiques dans l’ensemble du monde méditerranéen met en évidence l’élargissement progressif de l’utilisation du bleu égyptien : il apparait dès -2500 en Crète, puis vers -1400 à Mycènes, on le retrouve dans les peintures murales des tombes macédoniennes datées -400, et en – 200, dans l’ornement des stèles alexandrines d’époque hellénistique ainsi qu’à Pompéi dans l’ensemble des pigments bruts ou prêts à l’emploi retrouvés sur place après l’irruption du Vésuve.
Appelé cæruleum par les romains, il connait une grande diffusion à l’époque romaine et trois sites en particuliers nous renseignent sur la production de bleu égyptien en Italie du Sud près de Pompéi dès le I° siècle AC (Pouzzoles, Literne et Cumes).
La recette de fabrication
Il n’existe aucune source directe de l‘époque pharaonique sur les techniques de fabrication du bleu égyptien, vu l’enjeu économique on comprend que ce secret ait été jalousement gardé.
Quelques tablettes babyloniennes de – 1700 donnent des recettes de verre teinté en bleu par le cuivre, mais, difficiles à traduire, elles ne permettent pas d’identifier clairement la fabrication du bleu égyptien.
Par contre un texte de Vitruve du I° siècle BC qui donne les indications les plus claires sur sa fabrication : minerai de cuivre, sable calcaire et natron.
Voici ce qu’il écrit : « La fabrication du bleu céruléen été mise au point à Alexandrie, et plus tard Vestorius en a fondé une fabrique à Pouzzoles. C’est un produit tout à fait étonnant par les ingrédients à partir desquels il a été mis au point. On broie en effet du sable avec de la fleur de nitre, assez finement pour obtenir une sorte de farine ; et, lorsqu’on y mélange du cuivre à l’état de limaille à l’aide de grosses limes, on arrose le tout, pour qu’il s’agglomère ; puis en le roulant dans ses mains, on en fait des boulettes que l’on rassemble pour les fairesécher ; une fois sèches, on les met dans un pot de terre cuite, et les pots sont portés dans des fours : ainsi, quand le cuivre et le sable entrant en effervescence sous la violence du feu se sont fondus ensemble, en se donnant l’un à l’autre et en recevant l’un de l’autre leurs sueurs ils abandonnent leurs caractères individuels, et, leur être propre anéanti par la violence du feu, ils sont réduits à l’état de couleur bleue. » (Livre VII , 12, traduction de B. L iou et M. Zuinghedau, Les Belles Lettres, 1995).
Mais sans précisions sur les quantités et les dosages la recette pendant longtemps ne semble pas opérationnelle …
Et puis je suis tombé sur ce film daté du 25 avril 2002, de la vidéothèque grand public du CNRS intitulé Couleur et beauté au temps des pharaons où Gérard ONORATINI, Préhistorien et chargé de recherche au CNRS fabrique devant nous le bleu égyptien à partir de la recette de Vitruve !
C’est magique ! allez voir ce film …
Autres sources d’informations
La revue Pour la science n° 406 d’Août 2011 dans le dossier Les couleurs oubliées de l’antiquité
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J’espère que cette histoire vous aura passionné, laissez vos remarques et commentaires et en attendant la mise en place de l’abonnement à la newletter je vous propose de nous retrouver sur la page Facebook Passion-aquarelle et de vous inscrire aux flux RSS pour être informé des nouvelles publications.
à bientôt
Merci pour cet article très complet et passionnant…
Même les enfants sont très intrigués par la fabrication des couleurs à partir du moment où ils se rendent compte que les boutiques de peinture n’ont pas toujours existé!
Effectivement l’histoire des couleurs et des pigments à travers les âges est passionnante et la couleur a toujours eu une importance symbolique forte dans l’histoire des civilisations …
Le sujet est loin d’être épuisé et je compte bien aborder la suite dans les prochains articles …
Encore une histoire de bleu bien intéressante 😉
C’est drôle que le bleu face parti des couleurs primaires quand on sait que ce n’ai vraiment pas une couleur facile à extraire, ou qui perd sa magnifique une fois réduit en poudre.
D’autres pigments à base de plantes (pastel, indigo, …) ont permis d’avoir des teintures bleues plus facilement, mais si le bleu est aujourd’hui la couleur préférée du monde occidental cela n’a pas toujours été le cas !
C’est au 18° siècle que le chercheur allemand JC Leblon, à partir de la publication de Newton en optique sur la lumière et les couleurs du spectre, pose le concept des 3 couleurs primaires (bleu,jaune,rouge) permettant par mélange d’obtenir l’ensemble des autres couleurs. Il invente la gravure en couleur à partir de trois passages de bleu indigo, d’ocre jaune et de rouge magenta et pose les base de la trichromie moderne !
Merci pour l’explication 😉
Je suis passionné de culture antique 🙂 merci pour ces précisions
L’histoire des couleurs traverse les âges et permet d’aborder les civilisations sur les plans techniques et symboliques. C’est un sujet immense et passionnant que je vais continuer de partager sur ce site … à bientôt pour la suite !
Bonjour Jean-Yves ! Merci pour cet article intéressant ! J’utilise du bleu égyptien, mais pour mes céramiques, je ne suis pas une experte, dans la fabrication de mes émaux , c’est pourquoi je les achète prêt à l’emploi. Il est vrai qu’il existe tellement de bleus !!!
http://dosilaterre.over-blog.com/3-categorie-12225647.html
Je me suis amusée avec l’émail et mon personnage est devenu, une histoire de bleu ! ►http://dosilaterre.over-blog.com/33-categorie-12225624.html
Article passionnant , tout comme vos aquarelles !!
Bonjour Dosilaterre,
Je suis passionné par la couleur et les pigments et je suis ravi de votre intérêt l’article …
Je continue mon voyage dans la couleur, après les bleus et un petit tour en Lubéron, je passe dans les prochains articles aux ocres de Roussillon !
Votre site est remarquable, j’ai beaucoup aimé votre travail, vos sculptures sont pleines d’émotion et de poésie … à bientôt
Jean-Yves
Je suivrais avec intérêt vos articles !♥ sur les ocres !!!
Mes bleus s’obtiennent de cette façon
►Le bleu en céramique est obtenu à partir de cobalt. Cet oxyde doit être manipulé prudemment et généralement il n’est pas conseillé de le respirer.
Le cobalt doit pour être utilisé être réduit en poudre très fine et mélangé avec de l’eau.
Il est important de faire une planche de test pour déterminer quel bleu vous désirez, pour cela on note les mélanges et crée une plaque avec les numéros correspondant au mélange.
Plus le cobalt est dilué, plus il devient pâle voire il disparaît à la cuisson. Très concentré, il est d’un bleu intense. On a de très nombreux exemples de « Blue and write painting » dans la céramique chinoise. Une bonne leçon technique pleine de poésie. Comme je vous disais j’apprends seulement comment les fabriquer… et c’est dans l’infini…
Je ne me lasse pas d’admirer vos aquarelle Jazz…Je vous remercie de vos compliments chaleureux, je ne suis qu’une autodidacte passionnée par la terre , les expressions , le regard, le partage Merci encore !!!
Merci pour ces précisions sur le bleu de cobalt !
A bientôt, cordialement,
Jean-Yves
Décidément, chaque fois que je viens ici
je croise le bleu, une de mes couleurs
favorites.
Je travaille plutôt avec la psychologie des couleurs
mais cela n’enlève rien à mon plaisir de les
regarder.
Bonjour Hannah,
Ravi de ta visite, encore sous le signe du bleu 🙂
Pour ton grand plaisir et pour croiser aussi d’autres couleurs, je te propose de visiter le portfolio et les derniers articles sur la série Jazz en aquarelle !
A bientôt
Jean-Yves
Bonjour,
J’ai une de mes petite-fille qui fait quelques aquarelles et elle est très attachée aux couleurs pour tout. Je vais lui envoyer le lien de ton article qui devrait beaucoup l’intéresser.
Bonne journée.
Danièle
Danièle de Forme et bien-être a écrit récemment Action humanitaire : donnez de l’eau à tous les enfants du monde.
Bonjour Danièle,
Très bonne idée d’envoyer le lien à ta petite-fille si elle est intéressée par le monde de la couleur !
Bonne journée,
Jean-Yves
Le bleu est une couleur tellement fascinante ! J’ai ramené d’Afrique des tissage teints en indigo et je ne me lasse jamais de leur chaleur… Mais ce bleu égyptien est encore plus étonnant !
Bernadette GILBERT a écrit récemment Tourtière végétarienne
Les couleurs ont chacune une histoire sur plusieurs niveaux (matériaux-pigments, économique, sociologique, symbolique, etc …) et je trouve ça passionnant !
Au sujet de l’indigo je te propose également cet article : http://www.passion-aquarelle.fr/chronique/histoire-de-lindigo/
A bientôt
Jean-Yves
Bonjour Jean-Yves
C’est toujours un régal de lire tes articles, documentées et qui me font rêver car j’adore l’histoire et l’ancienne en particulier donc je suis servie quand je viens sur ton blog.
Le bleu des yeux des statues égyptiennes qui semble du khôl …
Ce qui me plaît aussi c’est de sentir la passion que tu mets dans tes écrits car sans passion le message a du al à passer pour moi.
sylviane a écrit récemment Ecoutez-vous les signes que vous envoie votre intuition
Bonjour Sylviane,
C’est vrai que les histoires des couleurs sont passionnantes car les couleurs ont toujours eu une symbolique très forte dans toutes les sociétés, et avec notre regard contemporain on oublie que les enjeux techniques et économiques ont évolués à travers l’histoire.
A bientôt
Jean-Yves
Salut Jean-Yves,
Pour une première visite, je suis soufflé.
Passionnante histoire racontée avec passion. Quand tu parles de « magique » ce n’est pas trop fort.
Je ne regarderai plus le bleu sur une aquarelle (ou sur toute œuvre d’art se demande le béotien que je suis en fabrication et utilisation de pigments?) de la même façon.
Par contre, chez toi, si l’on veut « repasser » sur les mots, c’est orange….ailleurs, c’est bleu.
Un blog où on joue avec les couleurs.
Mon père dessinais énormément. Il privilégiait l’encre de chine avec des dessins qui, pour moi, ont une signification toute particulière.
Mais soit. Il s’est essayé aussi à l’aquarelle et ton blog fait remonter en moi bien des souvenirs émouvants.
Je regarde le portefolio.
Je n’ai pas le temps de commenter partout ou j’aime, mais j’y reviendrai, c’est sûr.
@+
Christian.
Et zou, je m’inscris
Christian a écrit récemment Interview exclusive: le « bouche à oreille » dans le webmarketing.
Salut Christian,
Je suis très heureux de ta visite et de ton coup de cœur pour le blog 🙂
Bien que pratiquant la peinture depuis longtemps, c’est vraiment l’aquarelle qui m’a permis d’avoir un autre regard sur les couleurs de ma palette : leur texture, consistance, transparence, et aussi leurs histoires …
Également, je suis ravi que ces peintures fassent remonter en toi des souvenirs émouvants !
L’art est avant tout une question de cœur et d’inspiration.
Bienvenue parmi les abonnés,
A bientôt,
Cordialement
Jean-yves
Un petit poème sur les bleus ►http://dosilaterre.over-blog.com/article-sculpture-isambre-et-l-oiseau-les-bleus-111167321.html
Passionnantes toutes ses histoires de bleus….Bleu de la divinité, bleu Egyptien, Bleu Azur …..
Bonne journée Yves !
Merci pour le partage d’un peu de poésie avec les bleus !
Passez bien le bonjour à toutes ces créatures qui sèchent bien sagement dans votre atelier en attendant l’épreuve du feu 🙂
Bonne inspiration avec la terre et tous ses petits secrets …
Amicalement,
Jean-Yves
Merci pour cet article très complet et instructif 😉
Bonjour Philipine,
Ravi que l’article vous ait intéréssé,
à bientôt 🙂
Je viens de regarder le film c’est très intéressant !!!
Toujours un rapprochement avec la céramique…Le pigment s’obtient en atmosphère oxydante entre 870° et 1100°C (température de stabilité de la cuprorivaïte) suivie d’un refroidissement lent dans le four, d’un mélange contenant environ 19% de cuivre et environ 1% de sodum..
J’ai recopié ceci cela me semble aussi intéressant en peinture qu’en céramique
►La maîtrise des techniques de l’Egypte antique
Les travaux de Sandrine Pagès-Camagna apportent un éclairage nouveau sur les technologies antiques et sur leur influence sur les techniques de peinture et de céramique. Outre le progrès qu’ils représentent dans le domaine minéralogique, ces travaux contribuent à l’amélioration des techniques de restauration et de conservation des œuvres d’art.
Sandrine Pagès-Camagna
Laboratoire du centre de recherche et de restauration des musées de France
J’♥ le bleu egyptien , je ne fabrique pas mon émail mais j’aimerais tant … Bonne soirée
Bleuhâtement vôtre cher « Jean’yves et merci !
Bonjour,
Ravi de votre nouveau passage et de ce partage passionné sur les couleurs 🙂
Oui ce film est très intéressant !
Je mets pour les internautes le lien vers l’article de Sandrine Pagès-Camagna que vous citez et qui vient parfaitement compléter l’article …
Et voici le lien vers l’index du site du CNRS sur la couleur qui est passionnant et très fourni …
Merci pour le partage,
Bien cordialement
Jean-Yves
Vraiment sympas ton site ! J’attends le prochain article.
Bonne continuation !!
Merci bcp pour toutes ces informations,
ce petit conseil est tres intéressant.
Article vraiment très intéressent !
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Bonjour, avant tout je vous remercie et vous présente toutes mes félicitations pour le travail remarquable Un article très intéressant
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Un excellent article merci pour le partage de ces informations !!
Je découvre ton blog par hasard et il est magnifique.
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Je viens de tomber sur votre site et je le trouve très intéressent! Merci
Génial ce blog félicitation et bonne continuation merci beaucoup
Je vous remercie pour ce site, c’est hyper intéressant.
Excellent site! Merci pour le partage et bonne continuation .
J’aime beaucoup toutes ces informations.
Excellent article, merci beaucoup.